|| Union de Kalmar : 1397 – 1523 || A mesure que nous vieillissons, ce sont nos maux qui rajeunissent. [PV Norja]

17 juin 1397 - Couronnement du roi Eric XIII de Poméranie

Tiens. Bonjour. La fête est déjà terminée ?

Liv retenait les soupirs nombreux qui n’auraient pas manqué de montré son agacement face a cette soirée qui n’en finissait pas. Elle ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi elle devait y assister, les fêtes c’était pour les êtres sociables, ceux qui aimaient être en compagnie des autres. Elle, elle n’était pas sociable pour 2 couronnes. Encore heureux qu’elle ait réussi à faire en sorte que Ice n’assiste pas a cette soirée, la petite n’aurait pas tenu le coup. Oui Liv faisait sa maman avec sa colonie mais c’était ainsi.

Elle s’était installé dans un coin avec un verre et fusiller du regard tous les humains mâle qui tenter de s’approcher, attirer par sa gracile silhouette et ses formes honorables même si comparé a Danmark et Sverige elle était en dernière position sur le podium. Enfin, ils jouaient avec leurs vies aussi car la danoise supportait très mal le fait qu’on s’approche de la norvégienne. Enfin Liv ne supportait pas qu’on s’approche de la danoise non plus comme ça l’affaire était réglée n’est-ce pas ?

Elle soupira en replaçant une mèche de cheveux à sa place. Elle n’en pouvait plus de cette atmosphère surchauffé, de tout ces gens tous plus hypocrites les uns que les autres, qui n’attendaient qu’une faiblesse de votre part pour se jeter sur vous tel des prédateurs sur une proie. Et après on disait d’elle qu’elle était une barbare sans cœur. Quelle blague. Elle était une viking, elle n’allait pas être un gentil petit ours en peluche non plus. D’accord ses tortures étaient vraiment horribles et vicieuses mais elles étaient efficaces au moins. Il n’y avait que trois personnes qui connaissaient la femme sous la Nation, la femme douce et chaleureuse qu’elle était sous la viking froide et sans cœur qu’elle montrait a tous. Ces personnes étaient Danmark, Sverige et Island. Ses deux sœurs et celle qu’elle considérait comme sa propre fille.

Elle n’en pouvait plus, elle étouffait dans cette atmosphère. Elle n’aimait pas quand il y avait trop de monde autour d’elle. C’était comme ça. Elle éprouvait une sensation d’étouffement et d’insécurité qui grandissait assez rapidement. Elle se leva, vida son verre et se dirigea vers la sortie après avoir fait signe a Danmark qu’elle sortait prendre l’air.

Dès qu’elle fut dehors elle alla mieux. L’air frais sur sa peau lui donna le sentiment d’être libre, elle ferma les yeux un instant, profitant du calme ambiant. Qu’elle aimait la nuit. Elle leva les yeux au ciel. Les étoiles se voyaient bien ce soir, et bien entendu elle était coincée à cette stupide soirée alors qu’elle pourrait les regarder avec Ice. Un bruit la dérangea dans la contemplation du ciel étoilé. Il s’agissait de Finland. Elle ne la connaissait pas vraiment. Elle savait juste qu’elle parlait…beaucoup et qu’elle trainait toujours avec Sverige. Elle n’avait jamais eu vraiment l’occasion de discuter avec elle.

Elle l’écouta à peine quand elle lui parla. Liv n’était pas une femme qui parlait beaucoup. Elle était plus une femme de réflexion. Elle étudiait les gens avant d’agir avec eux, c’était comme ça. Elle n’était jamais en première ligne, elle étudiait le terrain avant d’avancer. Elle n’était pas la tête brûlée qu’était Danmark ou Sverige. Si elle devait se désigner, et ce sans se vanter, elle se désignerait comme étant la tête pensante de leur petite famille.

Elle pouvait déjà sentir l’hypocrisie du sourire finlandais. Mais elle ferait comme si. Après tout si la finlandaise voulait cacher ce qui n’allait pas, c’était elle qui voyait non ? Mais là elle paraissait calme la petite finlandaise.

- Nei elle ne l’est pas

Elle continua de fixer la finlandaise. Après tout c’était peut-être l’occasion de discuter avec elle, de savoir qui elle était réellement, et puis elle était une sœur scandinave, même si elles n’avaient pas les mêmes parents. Elle était un pays scandinave et donc elle faisait partie de la famille, et Liv était très famille.

- Tu veux regarder les étoiles avec moi avant de retourner dans la fosse aux serpents ?

C’était sorti. Liv ne parlait que très peu. Mais quand elle parlait on l’écouter, elle pouvait être incisive dans ses paroles comme elle pouvait être tendre.

Les étoiles… ?

Pourquoi pas… Tant qu’il n’y a pas de nuages… Et elles brillent bien, ce soir.

Elle suivit la finlandaise en silence, s’éloignant loin des rires faux et de l’atmosphère surchauffé de la salle de fête. Le calme de la nuit l’apaisait, elle se sentait bien mieux dehors.

Liv était quelqu’un de complexe. Difficile de saisir les différentes facettes de cette viking. Sur un champ de bataille, rares étaient les ennemis qui venaient se frotter a la norvégienne. Sur un champ de bataille elle devenait une autre femme, qui riait de voir ses ennemis a terre et qui inventait des tortures toujours plus vicieuses et sadiques dans le simple but de voir ses ennemis l’implorer de mettre fin a leurs vies.

Elle regarda Tina s’installer sur un banc et sourit intérieurement en la voyant s’asseoir sur la neige, elle avait l’air de s’en ficher. Liv respirait enfin. Elle était une personne très libre, ne supportant que très difficilement les espaces clos. C’était pour cette raison qu’elle passait le plus clair de son temps dehors, dans les fjords. En ce moment elle passait son temps avec Ice. La petite était avide d’apprendre et la collait tout le temps. Cela ne la dérangeait pas, au contraire ! Liv était plus que ravie de pouvoir apprendre ce qu’elle savait.

Elle s’assit a son tour, de toute façon grâce a sa maitrise de la magie elle pourrait sans mal aucun, se débarrasser des tâches sur sa tenue de soirée. Les mains sur les genoux elle leva son regard vers le ciel. Elle n’avait pas froid, elle n’avait jamais froid. C’était étonnant mais c’était ainsi.

La norvégienne rebaissa son regard sur la finlandaise. Elle ne la connaissait pas, cette dernière restant la plupart du temps dans les jupes de Sverige. Elle savait qu’elle était une bavarde mais là bizarrement elle ne parlait pas. Liv n’était pas une grande bavarde non plus, loin de là. Elle ne parlait presque pas ou alors c’était pour remettre Danmark à sa place.

Si Liv parlait si peu ce n’était pas parce qu’elle ne savait pas parler et ce n’était pas non plus parce qu’elle disait des bêtises à chaque fois qu’elle ouvrait la bouche, elle était la Norvège par Thor ! Pas le Danemark. Non si Liv parlait si peu c’était surtout parce qu’elle connaissait le pouvoir des mots. La maitrise de la magie lui avait enseigné que les mots étaient dangereux s’ils étaient utilisés à mauvais escient. Malheureusement, elle n’arrivait pas à le faire comprendre a la danoise qui parlait souvent a tort et a travers.

- Pourquoi ne parle-tu pas toi qui es si bavarde ?

C’était une question qui était sortie toute seule. Elle ne savait pas pourquoi elle l’avait posé et cela la perturbait, elle qui réfléchissait toujours avant de parler.

- Je voulais te remercier aussi. Depuis que tu es là, Sverige s’ouvre un peu plus aux autres.

C’était vrai, elle n’avait jamais vu la suédoise comme cela. Liv avait toujours vu dans les yeux de la suédoise comme une mélancolie, un ennui que rien ne pouvait enlever. Et cette mélancolie, cet ennui n’était plus dans les pupilles bleues de sa sœur depuis l’arrivée de la finlandaise. C’était pour cela que Liv remerciait Tina.

Comme dit un peu plus tôt, Liv était quelqu’un pour qui la famille était très importante. Elle n’avait pas vu d’un très bon œil l’arrivée de la finlandaise pas parce qu’elle ne l’aimait pas mais plutôt parce qu’elle lui était inconnue et qu’elle ne savait pas si Tina serait bénéfique ou non pour leur petite famille. Mais finalement la finlandaise avait fait ses preuves, en s’occupant de Sverige plus particulièrement. Alors Liv voulait la connaitre et l’intégrer a la famille des scandinaves. Après tout, une sœur de plus ce n’était pas la mer à boire.

Une, deux, trois, quatre… Tina avait commencé à compter les constellations qu’elle pouvait distinguer. Elle n’était pas très douée à ce jeu là, à vrai dire elle ne prenait que très rarement le temps d’observer les astres. Avant que Suède ne vienne l’envahir, elle les utilisait surtout pour se repérer la nuit, savoir dans quelle direction elle allait, ne pas se perdre en plein milieu de la forêt. Mais depuis, les longues balades du soir dans les bois, ou dans la neige, bravant le froid du nord de son pays. D’ailleurs, elle n’avait pas froid. Juste une douce impression de fraicheur. La neige sous ses doigts lui semblait être comme du coton refroidi, rien de bien méchant, pas comme si ses doigts étaient déjà en train de devenir violets.

Elle reporta son attention sur la norvégienne qui venait de lui parler. Chose étonnante quand on pensait connaître la demoiselle. Tina ne s’attendait pas à ce qu’elle engage la conversation et pensait devoir, comme avec Suède, faire appel à son incroyable talent pour ne rien dire afin de rompre le silence pesant qui allait immanquablement s’installer entre elles. Elle la considéra une fraction de seconde, que pouvait-elle répondre à ça ?

« Parce que je ne sais pas quoi te dire, je ne te connais pas, après tout. » fut la réponse qui lui vint en premier à l’esprit, et naturellement, c’est celle qu’elle donna

Tina n’avait pas l’habitude pourtant saine de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, même métaphoriquement. Une phrase lui trottait dans la tête ? Bah qu’elle sorte. Tina ne réprimait jamais ses paroles, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, qu’elles aient de bonnes ou de mauvaises conséquences, pour elle comme pour les autres. Limite qu’elle aurait un syndrome de jesaispasquoi qui fait dire tout ce qu’on pense ça ne serait pas étonnant. Mais non, elle est juste comme ça. Par contre parler d’elle et de ses sentiments profonds, c’est moins facile, et quand on lui pose la question, un joli sourire orné de fleurs roses sera la seule réponse qu’elle donnera, sincère ou pas.

Un léger sourire, justement, orna son visage rond et poupin quand la norvégienne évoqua Suède. La première fois qu’elle avait vu la suédoise, elle avait simplement envie de courir, de s’enfuir loin de cette femme qui en imposait par sa taille, sa prestance et la force brute qu’elle dégageait. Mais elle l’avait retenue, et prise sous son aile, contre son gré, sans que la finlandaise n’ait le temps ni le courage de se rebeller face à elle.

« Ruotsi est gentille, au fond. J’sais pas comment elle était avant, moi elle me faisait peur, au début. Vous me faisiez toutes peur, d’ailleurs. J’ai cru que j’allais finir piétinée comme les autres pays que vous aviez pillés… Enfin, mon sort n’est peut-être pas enviable non plus, je ne sais pas. Mais j’suis contente, quelque part, d’avoir servi à quelque chose, concernant Mokkanahka… »

Elle s’était mis une claque mentale pour se la fermer, sa boîte à salmiakkis. On a beau détester mentir et dire ce qu’on a sur le cœur, pas sûr que d’insinuer que les trois grandes nordiques étaient des barbares sans foi ni loi ne l’avance à quoi que ce soit. Elle le pensait, oh ça oui, elle se mordit l’intérieur de la joue, dans l’intention de s’empêcher de l’ouvrir à nouveau. Soir de fête, pas soir de règlement de comptes.

Tina adressa donc un sourire crispé à Liv, pour cacher sa soudaine hésitation. Quelques siècles plus tôt, le sourire aurait été le même, mais les yeux au-dessus auraient lancé des éclairs. Oh, si elle savait se battre à l’époque, tout se serait-il passé de la même manière ? Si elle avait eu un arc et des flèches corrects à disposition quand Suède l’avait croisée, aurait-elle réussi à faire d’elle sa possession ? Tina avait ce genre de questions qui se bousculaient dans son crâne, des questions auxquelles elle n’aurait jamais la réponse.

Traduction:

Liv haussa un sourcil surpris en entendant la finlandaise lui parler ainsi, mais Sverige l’avait prévenue de la franchise de Tina. Et cela ne la dérangeait pas plus que cela à vrai dire. Elle en avait tellement marre de tous ces non-dits, de toutes ces pensées tues. Elle aimait l’honnêteté, c’était même une des qualités de la norvégienne, peut-être même un défaut aussi car elle était incapable de mentir, même si ce qu’elle devait dire était une critique et bien tant pis, ça sortait. Elle se fichait comme de la première dent de Sigrid, sa troll, de ce que penser les autres. Elle avait l’impression que si elle se mettait à tourner autour du pot quand elle parlait alors elle ne pourrait plus se sentir elle-même.

Alors ça sortait, c’était aussi pour ça que Liv était crainte quand elle ouvrait la bouche. Parce que chacun savait que les paroles norvégiennes pouvaient être cruelles, acides et vous mettre une bonne claque dans la figure par leurs ironies mordantes.

Elle fixa la finlandaise dans les yeux. Ça aussi il allait falloir que ça change, que la finlandaise soit crispé en sa présence. Parce que pour Liv cela voulait dire que Tina avait peur d’elle et elle ne pouvait pas le supporter. Comme dit avant la famille était très importante pour Norge. C’était son cocon à elle, son trésor le plus secret. Peu connaissait cette facette de la norvégienne pour la bonne raison qu’elle ne se montrait jamais tendre ou autre avec les autres. En public, dirons nous, la norvégienne restait froide, neutre et silencieuse. Parce qu’elle est pudique notre amie Liv. Pour elle, ce qui se passe dans la maison ne doit pas en sortir, c’est inacceptable pour elle que d’être vue en train de donner des marques de tendresses, même si c’était assez difficile de garder son attitude de glaçon asocial quand Ice venait la voir pour qu’elle lui fasse un câlin ou qu’elle la prenne sur ses genoux parce que la petite était fatiguée.

- Ne retiens pas tes pensées en ma présence, l’honnêteté dont tu fais preuve me fais plaisir, je déteste les mensonges et encore plus l’hypocrisie

En clair, arrête de sourire comme une débile et déballe ton sac. Elle savait être très subtil la norvégienne n’est-ce pas ? Mais c’était vrai que l’hypocrisie et les mensonges étaient les choses qui avaient la plus grande chance de mettre la norvégienne en fureur. C’était extrêmement rare que la norvégienne se laisse envahir par la fureur, mais ça pouvait arriver et croyez moi vous ne voulez pas voir ça. Parce que Liv c’est le genre de personne à avoir la fureur froide, de celle qui se produit sans éclat démesuré, qui ne fait casser aucun meuble. Le genre de fureur qui se ressent, qui vous fait faire dans votre pantalon rien qu’en entendant les paroles que votre interlocuteur peut vous dire et qui vous fait prendre la dite personne très au sérieux. Croyez-moi, cela fait longtemps que Sverige et Danmark ont pris la décision de ne pas mettre Liv en fureur.

Elle soupira et regarda a nouveau les étoiles avant de regarder a nouveau Tina. Elle était assez mignonne en plus la finlandaise. Elle comprenait de mieux en mieux l’attitude clairement protectrice de la part de sa grande sœur. Car oui Liv était la dernière fille de Germanie et de Scandinavie, la petite benjamine, elle ne se souvenait plus du nombre de fois où elle se réfugiait dans la forêt parce que les bagarres entre ses sœurs aînées lui faisait peur. Mais elle avait bien vite compris quelque chose, quand elle se mettait à pleurer Dan et Sve arrêter aussi sec leurs disputes pour s’occuper d’elle. Si Sverige était un peu froide elle n’en était pas moins une grande sœur ayant à cœur de s’occuper de ses deux plus jeunes sœurs. Bien sûr qu’elle avait ensuite abuser du pouvoir de ses larmes pour réduire le nombre de dispute.

Elle revint au temps présent en clignant légèrement des yeux. Avant de regarder Tina avec sérieux

- En fait, j’ai déjà vue les yeux de Sverige brillaient comme maintenant, c’était quand j’étais encore toute petite et qu’elle s’occuper de moi. Je suis contente de retrouver cette étincelle dans ses yeux, je ne vais pas te mentir, j’étais contre ton entrée dans notre famille, parce que j’avais peur que tu sois une menace pour la paix que j’avais réussi à y instaurer mais je dois revoir mon jugement. Ton arrivée a apaisé Sverige et je t’en remercie a nouveau. Tu a ta place dans notre famille.

Elle tendit la main devant elle et sourit légèrement en voyant une petite fée venir s’y poser. Elle ne savait pas si Tina pouvait voir les fées et autres créatures magiques lui tournant autour.

Alors comme ça la norvégienne n’était pas friande d’hypocrisie ? A noter. Non pas que Tina la trouve très admirable, d’un seul coup, juste pour cette remarque, mais ça la rassurait, d’un côté. Elle avait peur d’être trop franche et de la froisser, mais apparemment, ça ne la dérangeait pas. Tant mieux, parce que y mettre les formes, la finlandaise ne savait pas le faire. Pas encore éduquée à la douceur ? Non. Faut dire, les soirées aux côtés de Suède n’aidaient pas à devenir agréable à vivre. Mais elle s’assagissait, Tina, face à cette femme rude à qui elle arrivait à arracher des simulacres de sourires et des bribes de mots à force de papotages plus ou moins utiles.

Malgré ça, elle se trouvait toujours gauche, pas à sa place, indésirable, dans cette fratrie unie qu’est l’union scandinave. Intégrée ? Non. Juste petite chose qui colle aux basques de Suède, rien de plus. Elle se sentait comme une petite souris autorisée à crécher chez les gros rats, et ce n’était pas vraiment confortable comme situation. Stressée en permanence par la présence des trois scandinaves, elle avait peu à peu fini par s’habituer à la compagnie suédoise, même si elle tremblait de tous ses membres quand la grande blonde et elle se retrouvaient seules à se regarder en chien de faïence jusqu’à ce que l’une d’elle, la plupart du temps Tina, trouve un sujet de conversation.

Tina retomba un instant dans le mutisme, les yeux rivés sur les flocons qui tombaient mollement sur la couche de neige déjà bien épaisse. Elle écoutait la norvégienne, comme si c’était la première fois qu’elle entendait sa voix. A vrai dire, c’était vraiment la première fois que les deux jeunes femmes parlaient autant, sans interruptions, sans fioritures. Un sourire en coin étira ses lèvres. Comme quoi Liv pouvait être humaine. L’acceptation norvégienne, elle ne s’y attendait pas. Qu’elle avoue avoir été contre, ça ne l’étonnait pas plus que ça. Mais qu’elle finisse par lui dire qu’elle avait une place, qu’elle était intégrée dans cette petite famille, ça l’avait déroutée, et touchée, quelque part. Elle leva les yeux vers Liv, s’interrogeant un instant sur le léger sourire qu’elle adressait vraisemblablement à sa main. Ne comprenant pas, elle décida de ne pas poser de questions, ne voulant pas la vexer en insinuant qu’elle était un peu toquée.

« C’est gentil. Enfin je pense. Si tu dis que j’ai ma place, je devrais te croire. Néanmoins je me sens vraiment mise à l’écart, et c’est certainement normal. Après tout, on n’arrive pas à s’intégrer dans une harmonie déjà établie en un tour de main. Mais ça me rassure que tu m’acceptes. Je pensais justement que tu serais la dernière à le faire. D’ailleurs c’est peut-être le cas… »

En y réfléchissant, elle n’avait pas beaucoup eu l’occasion de parler avec Danemark non plus, puisqu’elle suivait Suède. Et quand les deux là se retrouvaient dans la même pièce, ça finissait par se crêper le chignon et Tina ramassait les morceaux de verre brisé après la tempête. Donc pour elle, la danoise était aussi insondable que la norvégienne. Joie. Comme quoi, c’était récurrent, chez les nordiques, cette espèce de fausse transparence latente. Des non-dits, Tina en voyait partout. Ils semblaient flotter dans l’air, tels des lucioles qui s’alignaient pour former des bribes de pensées. Parce qu’à l’époque, les néons ça n’existait pas pour clignoter au-dessus de la tête des gens.

« Tu me fais peur. Vous me faites toutes peur. Mais je vous admire. Vous êtes fortes. Pas comme moi, pas comme Islanti. Un jour je serais une Nation forte, comme vous trois, mais je n’ai pas la prétention de vouloir vous surpasser. C’est certainement humain, de vouloir faire ses preuves. »

Toujours souriante, la finlandaise avait dit tout cela à un débit lent, obnubilée par le spectacle qu’offraient les étoiles. Pas de chouchous, pas de chichis, tout avait été balancé. Pas sa rancœur, car pour l’instant, elle était reléguée dans un coin de son crâne, bien à l’abri du froid mordant de l’air et de Liv. Elle ressortirait, un jour, mais pas tout de suite, pas en cette soirée paisible où Tina pouvait se vanter d’avoir décelé une trace d’humanité chez l’une des femmes qu’elle suivait sans broncher dans l’aventure qu’est la vie.

Elle ne put qu’hocher la tête en réponse aux paroles de la finlandaise.

C’était vrai, c’était humain elle avait raison, que de vouloir faire son trou auprès des grands. Comme elle la comprenait. Elle-même avait lutté pour que Sverige et Danmark reconnaisse qu’elle était forte et qu’elle avait sa place avec elles sur les champs de batailles. Elle avait même réussie à effrayer Danmark en étant plus violente qu’elle sur les champs de bataille.

Elle finit par soupirer en voyant un garde venir vers elles. C’était la fin de cet intermède qui lui avait permis de mieux connaitre la finlandaise. Cette finlandaise qui était une véritable énigme, un mystère qui l’attirait comme le papillon est attiré par la flamme d’une bougie. Elle voulait comprendre, comprendre la finlandaise et ses réactions parce que si elle n’arrivait pas à la comprendre elle ne pourrait prévoir ses mouvements a l’avance et elle ne pourrait la protéger efficacement.

Elle se releva en soupirant doucement, déçue que cet entretien ait été si court. D’un simple geste de la main elle fit sécher leurs robes, ignorant le regard étonné de Tina elle regarda le garde qui les emmena auprès de la danoise et de la suédoise qui semblait les attendre.

Dès qu’elles furent près d’elles d’eux, Danmark attira Liv dans ses bras en lui disant qu’elle l’aimait.

- T’es surtout ivre oui fjols ! fit Liv en assénant un coup a la danoise

Ça avait aussi l’air d’être le cas pour Sverige. La norvégienne soupira en les regardant. Elles avaient beau tout faire pour se détester, Liv savait qu’elles s’aimaient en tant que sœur, même si elles s’en défendaient fortement. Elle finit tout de même par passer son bras autour des reins de la danoise ivre qui lui déclarait qu’elle l’aimait et qu’elle l’épouserait.

- Mais oui Dan, bien sûr, fit Liv en regardant Tina qui semblait avoir le même problème avec la suédoise assez éméchée elle aussi, ramenons les dans leurs chambres qu’elles décuvent

La finlandaise opina du chef et elles se séparèrent chacune en direction de la maison qu’elles occuperaient maintenant.

****Ellipse****

Elle était triste. Même si cela ne se voyait pas. Après plusieurs années de vie en commun, dans une paix et une prospérité certaine, les tensions commençaient à apparaitre entre Danmark et Sverige. Leurs bagarres devenaient de plus en plus violentes…de plus en plus fréquentes. En essayant de les séparer elle s’était même pris un coup dans la figure. Son visage de porcelaine porter encore la marque de la main danoise. Danmark c’était excusé mais le mal était fait. Les tensions exacerbaient les humeurs violentes des deux vikings. Et quand elles commençaient à s’insulter Liv avait aussitôt pris le réflexe de faire sortir Island et Finland, qu’elle se prenne des coups ce n’était pas grave, ce n’était pas les premiers et pas les derniers mais elle refusait catégoriquement que la finlandaise ou la petite islandaise soit impliqué dans ces disputes.

Elle était assise sur un banc sous un arbre dans le jardin jouxtant la propriété et son regard était perdu dans le vide. Elle cherchait. Que cherchait-elle ? Me demanderez vous et bien elle cherchait une solution pour que les tensions s’apaisent et que la maison des scandinaves retrouvent sa paix. Les mains posaient sur ses genoux étaient sagement croisées et son regard était légèrement levé vers des endroits inconnus des simples humains. Si ce n’était le mouvement de sa poitrine qui s’abaissait et se relevait lentement on aurait pu la prendre pour une statue. Bon nombre d’humain l’évitait, c’était les serviteurs. Sa magie faisait peur, on la prenait pour une femme des glaces, qui emportait les beaux jeunes hommes dans leurs palais pour ensuite aspiré leurs vies.

Elle était totalement immobile, et le vent soulevant doucement ses cheveux les plaquaient sur son visage cachant en partie le bleu qu’elle avait sur sa pommette. Danmark s’était répandue en excuse après.

Elle poussa un petit soupir en continuant de regarder dans le vide. Quand la paix reviendrait-elle dans cette maison qui en avait plus que besoin ? C’était ironique, elle qui avait passé toute sa jeunesse à se battre, ne rêvait plus que d’un peu de paix et de repos dans ce monde plus que troublé. Elle n’entendit pas les pas qui se rapprochaient, trop perdue dans ses pensées, les yeux tournés vers un monde inaccessible aux communs des mortels.

Hei Norja. Tu n’es pas avec Islanti ?

Une voix la sortie de ses pensées. Une voix qu’elle n’entendait guère plus que dans les réunions et pendant les repas. Une voix appartenant a quelqu’un qu’elle connaissait. Liv tourna le regard vers Tina et la contempla. Elle avait encore été chassée comme en attestait son arc et son carquois. Quoique, la finlandaise se trimballait toujours avec son arc, comme si elle craignait d’être attaquée en permanence, comme si chaque recoin était dorénavant rempli d’ombre et cachant des attaquants, quels qu’ils soient. Elle n’avait peut-être pas tort. Les relations suédo-danoises étaient de plus en plus mauvaises, un rien déclenchait les disputes.

- Hej Finland, nei elle fait la sieste

Elle avait endormie la fillette il y avait à peine deux heures plus tôt. Pour elle aussi Liv avait peur. Elle était mère avant d’être colonisatrice avec Island. Elle se fichait bien de ce que pouvait dire Danmark, que cela la rendait faible ou autre, elle savait que sa journée était illuminée par un sourire ou un rire de l’enfant, elle savait que son cœur était réchauffé quand elle voyait la petite courir vers elle, lui tendre les bras en lui réclamant un câlin ou qu’elles aillent se promener.

Par Island, Liv savait que Tina faisait tout pour l’occuper et qu’elle s’en occupait bien. Et pour cela jamais elle ne pourrait assez remerciait la finlandaise.

- Tu as attrapé quelque chose aujourd’hui ?

Tout, s’il te plait tout pour me changer les idées, empêche moi de repenser aux yeux fous de Danmark, empêche moi de revoir la rage présente sur les traits de Sverige. Telles étaient les paroles qu’aurait voulu prononcer Liv, mais elle ne pouvait pas les dire, parce que c’était faire preuve de faiblesse n’est-ce pas ? Elle devait se montrer forte, ne jamais faiblir, ne jamais montré qu’elle était las des disputes, de garder le silence sur ce que ses sœurs se disaient dans ces disputes. C’était à elle de préserver la paix de Tina et d’Island. Elle n’avait pas le droit de faiblir ainsi, c’était indigne d’elle, la viking sans peur, violente et si sadique dans ses tortures.

Elle se força a ne rien laisser paraitre des sentiments qui l’agitaient, non. Forte. Elle l’était. Elle devait l’être, pour ces âmes qu’elle protégeait.

- Je voulais te remerciait aussi, tu t’occupe très bien d’Island et je te remercierais jamais assez pour cela Tina, fit-elle

C’était la première fois, la première fois qu’elle appelait la finlandaise par son prénom. Elle ne l’avait jamais fait, et honnêtement elle pensait ne jamais le faire. Mais là c’était sorti, tout seul, sans aucun effort, comme si c’était naturel.

- Je pense que l’on peut s’appeler par nos prénoms…après tout cela fait longtemps que nous vivons ensemble n’est-ce pas ?

Elle regarda la finlandaise et lui adressa un de ses rares sourires. Ces sourires réservés à Island. Ces sourires qui n’apparaissaient que rarement sur les lèvres de la norvégienne.

- Alors appelle-moi Liv, vennligst gjør

Traduction:

Savez-vous qu’il existe un proverbe finlandais qui dit « L’amour est un jardin fleuri, le mariage un champ d’orties. ». En l’adaptant un peu, on se rend compte que ce proverbe peut fonctionner pour les unions, quelles qu’elles soient. Et l’Union de Kalmar n’est pas en reste. C’était beau, sur le papier, cette histoire d’union des trois grands royaumes de Scandinavie. Mais en vrai, ça n’était pas aussi simple et aussi rose. Il fallait s’y attendre, avec les caractères de cochons que se traînaient la danoise et la suédoise. Et ça n’irait certainement pas en s’arrangeant.

Puis, c’était les autres qui en pâtissaient, de ces bagarres constantes. Tina avait développé une certaine angoisse perpétuelle, manifeste aux yeux de tous. Ce n’est pas correct de se balader avec un arc même aux dîners, mais ça la rassure, point barre et à la ligne. Ce n’était pas négociable, la présence de cet arc dans son dos. Puis, elle essayait de se contenir, mais souvent, on pouvait entendre ses hurlements apeurés quand quelqu’un s’approchait d’elle sans prévenir. De quoi vous vriller les tympans encore plus sûrement qu’en écoutant l’espèce de piaf bavard de l’islandaise. Néanmoins, elle lâcha le manche de son arme.

« Oh, oui, du gibier et de la volaille, de quoi amuser le cuisinier. Et le bottier aussi. La fourrure est intacte. J’irais peut-être chasser plus loin, demain. » fit-elle en souriant

Tina n’était pas peu fière de ses petits talents de chasseuse. Elle ramenait toujours des proies en bon état, qui pouvaient à la fois nourrir et servir aux artisans qui auraient besoin de fourrure ou de cuir. Petite fierté de la finnoise, mais elle ne s’en vante pas souvent. Quoi que. Elle est tellement bavarde que le sujet doit souvent revenir sur le tapis. Enfin, passons.

Tina haussa un sourcil quand elle entendit son prénom. C’était bien la première fois qu’elle l’entendait de la bouche de la norvégienne. Ca connaît étrange, ça sonnait bizarre, mais la finlandaise sourit. C’était un nouveau pas positif. C’était une évolution, au moins. Elles n’étaient plus des étrangères qui ne font que se croiser. Enfin, si, mais des étrangères qui avaient brisé la glace.

« Oh, ce n’est rien, voyons. Elle est adorable. Puis, ça m’occupe, moi aussi. Je deviendrai folle à tourner en rond entre quatre murs, pas toi ? »

Comme un lion en cage, enfermée dans un tombeau de pierres, c’est comme ça qu’elle se sentait les rares fois où elle ne pouvait sortir. Tina avait besoin d’air frais, de sentir les odeurs de pins et de forêts, d’être libre de ses mouvements et de courir jusqu’à ce que ses muscles s’épuisent et la fassent souffrir. De grimper dans les arbres assez haut pour avoir le vertige. D’écorcher ces ongles parfaitement limés et ces mains de poupée. De tâcher ces vêtements dorés et ornés de perles et autres dentelles inutiles. D’avoir la chair de poule en plongeant ses pieds nus dans un ruisseau d’eau claire. Elle avait tout simplement besoin de liberté.

« C’est vrai. Alors, Liv. Je note. Tu sais, je crois que tout ça, ça va finir par se fracturer, cette union. Je n’ai rien à dire là-dessus, mais, j’aimerais bien qu’on m’oublie, parfois. Qu’en revenant, je me rende compte que Ruotsi ne me cherche pas, que je ne suis rien et que je peux rentrer chez moi. Enfin, c’est idiot, n’est-ce pas ? »

Un rire léger, comme un chant d’oiseau discret, s’échappa d’entre les lèvres de la finnoise, toujours étirées en un sourire sincère. Car elle pensait tout ça. Elle voulait rentrer chez elle, dans sa forêt, même si l’idée de s’éloigner de Suède l’effrayait. Le prix à payer pour une liberté était souvent lourd, mais ça, c’est une autre histoire, qu’elle aurait l’honneur – ou l’horreur – de découvrir plus tard.

Elle écouta avec patience la finnoise dire ce qu’elle avait sur le cœur. Elle avait tellement raison. Elle-même en avait assez d’être collée en permanence par Denmark. Elle aussi aurait voulu dire à haute voix qu’elle voulait partir de cette maison en emportant avec elle la petite Island. Mais elle n’en pouvait plus. Elle était lasse de servir de tampon entre les deux fortes têtes qu’étaient Sverige et Denmark. Mais elle ne pouvait pas non plus abandonner, parce que ce n’était pas digne d’elle, de la fière et forte Norge. La viking qui avait terrorisée toute l’Europe en compagnie de ses sœurs. Et puis si elle abandonnait elle sentait au plus profond d’elle-même que quelque chose de terrible allait se passer. Elle sentait qu’il allait y avoir un malheur, elle n’en connaissait pas la nature ni quand il allait se passer mais…Elle le sentait approcher.

- Ta franchise est vraiment rafraichissante Tina…Et ce que tu dis confirme ce que je pensais, un malheur vient vers notre maison, je ne sais pas quel en sera sa nature ni quand il arrivera mais il arrive. Et je ne sais pas si j’arriverais à l’arrêter.

Elle n’avait pas voulu être aussi franche mais l’honnêteté de la finnoise appelait la sienne. Elle ne pouvait pas résister a l’aura de fraîcheur et d’apaisement qui émanait de la jeune blonde, même si elle n’avait pas l’air très apaisée elle-même.

- Si jamais je devais faillir...Non, je n’échouerais pas…Je n’ai pas le droit d’échouer n’est-ce pas ? fit-elle en regardant la finnoise et en la gratifiant d’un de ses rares sourires

Elle se leva et enleva quelques plis imaginaires de la jupe de sa robe. Elle était dos à Tina. Non, elle n’avait vraiment pas le droit d’échouer, elle avait comme cette impression ancré au plus profond d’elle que si elle échouait la situation se dégraderais encore plus.

Elle se retourna vers Tina et lui offrit à nouveau un sourire en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille.

- Je vais aller voir si Ice est réveillée…Si elle l’est je l’emmènerais dans la forêt…Rejoins nous si tu as le temps d’accord ?

Elle partie sans attendre la réponse de Tina. Elle avait un peu peur de la finnoise. Peur de cet effet qu’elle avait sur elle, peur de cet effet qui l’obligeait à lui avouer ce qu’elle tenait à garder enfoui au plus profond d’elle.

****Ellipse****

Une horreur. C’était tout simplement le mot. Denmark avait totalement perdue la tête. Sinon pourquoi avait-elle rit en regardant le massacre que le roi avait ordonné après la révolte des nobles suédois. Et Sverige qui avait été obligé de regarder. Elle n’avait jamais vu sa grande sœur pleurer. Jamais. Et là, pour la première fois elle avait vu une larme roulé sur la joue de Sverige. Mais ce qu’elle ne pouvait pardonné à Denmark c’est d’avoir aussi obligé Ice et Tina à assister a ce massacre. Elle venait de passer la nuit auprès de sa « fille » qui faisait cauchemar sur cauchemar et qui refusait catégoriquement de rester seule en présence de Denmark. Et Tina ? Comment réagissait la finnoise a tout cela ? Comment pouvait-elle réagir auprès de Sverige qui restait prostrée dans sa chambre.

Elle-même sortait d’une confrontation avec la danoise. Leur dispute devait s’être entendue jusqu’au fond de la maison mais elle s’en fichait. Le pouvoir était monté a la tête de la danoise. Et pour la première fois depuis qu’elles vivaient ensemble Liv avait menacée de partir, prendre son indépendance si la danoise ne changeait pas d’attitude. Elle s’en voulait, elle aimait sincèrement la danoise mais la voir ainsi, à l’opposé total de ce qu’elle avait toujours connue, lui faisait mal.

Sa main et son cœur lui faisait mal. Elle se sentait déchirée entre sa loyauté envers sa grande sœur qui l’avait élevée pour ainsi dire et entre son amour pour la danoise qui l’obligeait à rester auprès de cette dernière. Si elle devait faire un choix elle ne saurait qui choisir. Même si Denmark avait des arguments de poids en sa faveur. Leurs « enfants ». Groenland, Féroé et Ice. La danoise savait parfaitement que si elle devait mettre un argument en avant c’était celui là.

Et elle avait fuit. Elle avait fuit dans le parc de la grande maison. Elle était de retour sur ce même banc où, plusieurs années plus tôt elle avait prédit l’arrivée d’un malheur à la finnoise. Elle avait échoué. Elle voulait pleurer. Elle s’était épuisée à lutter, même si elle avait vu les efforts finlandais pour l’aider dans l’apaisement de certaines tensions. A présent les seuls moments d’apaisement qu’elle arrivait à trouver c’était quand elle était avec ses trois « enfants » ou quand elle était seule dans la forêt entourée par les êtres magiques qu’elle était la seule à voir encore. Sillgrid, sa troll, apparut devant elle et la regarda d’un air indécis, ne sachant trop quoi faire pour apaiser un peu son amie. Elle disparut pourtant en entendant l’arrivée de pas.

Liv releva la tête et ses yeux violines rencontrèrent ceux bleus et compatissant de la finnoise. Non. Ne me regarde pas comme ça. Pas alors que j’ai besoin de paraitre aussi neutre que d’habitude, parce que si tu continue de me regarder comme ça…Je vais craquer. Voilà ce que pensait la norvégienne avant qu’elle ne sente une trainée liquide couler sur sa joue. Elle l’essuya rapidement et baissa le regard sur ses mains crispées sur le tissu de sa robe.

- Hej, fut tout ce qu’elle réussit à dire d’une voix qu’elle réussit a peu près à maîtriser.

Tina se sentait de mieux en mieux, dans cette nouvelle famille. Il faut dire que l’ouverture de la norvégienne aidait un peu. Puis l’islandaise était adorable, comme gamine, un peu farceuse, comme tous les enfants. Puis si ça allait pas, il restait le sauna pour avoir la paix. C’était déjà ça. Rien ne remplacerait jamais la félicité de cette tradition qu’elle était la seule à apprécier pleinement parmi les cinq. Elle irait bien s’y enfermer, par moments. La tension était telle, qu’elle s’enfuyait de plus en plus. La forêt était son nouveau territoire, sa résidence d’été. Elle se sentait mal, quand Suède et Danemark se regardaient dans le blanc des yeux le soir.

Puis, un jour, Danemark avait dépassé les bornes. La folie, c’était pas possible autrement, c’était emparée de la nation qui se prenait pour la reine du Nord de l’Europe. Tina n’avait pas l’habitude de l’horreur, et ce massacre était de trop, pour elle. Elle avait été obligée de voir ça, les yeux écarquillés d’effroi, elle n’avait pas tenu longtemps face à ce spectacle infâme et avait fermé les yeux, plissant les paupières si fort que des lumières colorées dansaient devant ses yeux. Les bruits, de même, elle se bouchait les oreilles, essayant de faire abstraction de l’horreur devant elle.

Suède en avait été profondément affectée, et qui ne l’aurait pas été de voir ses nobles massacrés comme des bêtes. La folie humaine, non, la folie de Danemark. Tina avait toujours craint la danoise, un peu, même si elle la trouvait plus ou moins gentille. Mais là, c’était plus la peine, rien que la silhouette de cette femme lui faisait rebrousser chemin. Elle l’évitait comme la peste, et avait fui dans la forêt quand elle s’était violemment disputée avec Norvège. Faire l’autruche, c’était toujours une solution convenable.

Elle était revenue de la forêt, bredouille, elle n’avait pas le cœur à tirer des lapins alors que tant de sang venait d’être versé. C’était trop pour elle. Elle avait versé quelques larmes pendant sa balade forestière, plus pour Suède que pour son propre traumatisme. Ce n’étaient pas ses gens. Elle ne savait pas comment elle aurait réagi s’il s’agissait de finlandais, lors de ce massacre. Mais les finlandais n’étaient-t-ils pas suédois également ? Si. L’identité nationale finnoise n’était pas encore très forte, alors le massacre de suédois la touchait, fortement. Ce n’était pas les siens, pas son peuple, pas une part d’elle, mais elle imaginait fortement l’effet que ça avait dû avoir sur Suède ainsi. Mais elle n’était pas Suède. Leurs réactions étaient différentes. Si l’une s’enfermait, l’autre avait besoin d’air et d’espace.

C’est dehors, d’ailleurs, qu’elle retrouva la norvégienne, apparemment un peu calmée de sa fureur passée sur Danemark. Prudemment, la finnoise s’avança, redoutant la réaction de Liv. Ses grands yeux violets la fixaient, et croisèrent le regard habituellement dénué de toute lueur de l’autre nordique. Une larme qui n’avait rien à faire sur la peau crème de la norvégienne. Haussement de sourcils chez la finnoise. Salutation vide et plate. Tina ne prit même pas la peine de s’asseoir.

« Moï. » fit-elle simplement, en écho à Liv

Aussitôt, elle tendit la première chose à laquelle elle aurait pensé. Sa gourde. La petite. Tina en avait toujours deux sur elle, pour la forêt. De l’eau dans une assez grosse, dans le dos, avec son carquois. L’autre, plus petite, contenait un liquide noirâtre, âcre. Du sahti. De la bière traditionnelle finnoise. De l’alcool, quoi. Tina n’en avait pas l’air, comme ça, mais c’était une grande consommatrice de ce genre de boisson, de l’hydromel à la vodka piquée aux russes, c’était tout qui trouvait sa place dans le verre de la finnoise. Quand il faisait froid, comme chez elle, y’avait rien de mieux qu’une lampée de ça pour repartir à la chasse.

Elle tendait donc son précieux breuvage à la norvégienne, dans un ordre muet pour qu’elle en prenne une gorgée, qu’elle le veuille ou non. Ca requinque, ça remonte le moral et ça réchauffe le cœur, ces choses-là. C’est presque aussi bien que le Juhannus au Midsommar ou le Vappu. De toute façon, on boit aussi à Juhannus et Vappu, alors bon, c’est que c’est indispensable, n’est-ce pas ?

« Bois, ça te requinquera. T’as de la chance, j’ai pas tout fini dans la forêt. Faut dire qu’il fait pas trop froid, encore, ça pourrait être pire. Bref. »

Peu de paroles. Signe qu’en effet, elle avait bien entamé la boisson, la finlandaise aux veines remplies de sang chauffé à l’alcool. C’est un fléau, l’alcoolisme, et ça la touche, elle aussi, depuis qu’il a été créé. Depuis qu’elle en avait appris l’existence, d’ailleurs. Même si elle avait l’alcool joyeux, habituellement. Quand on boit pour oublier ses problèmes, on devient irritables, pire que quand on joue à cet ancêtre du hockey sur glace.

Elle fixa tour a tour la finlandaise et sa gourde avant de la prendre. En temps normal elle aurait refusé, en temps normal elle aurait dis a la finlandaise que ce n'était pas en buvant que les soucis se résolvaient. Mais ce n'était pas un temps normal. Et elle n'était pas dans son état normal. C'est pourquoi elle pris la gourde et but le liquide âcre. C'était plus fort que son eau de vie et ça lui brûla la gorge mais au moins ça la réchauffa un peu.

Elle avait raison Tina, ça requinquait un peu. Mais ce n'était pas ça qui allait lui faire oublier la folie présente dans les yeux de la danoise, les cris de sa petite Ice la nuit a cause des cauchemars, la tension rendant irrespirable l'air de la maison. Elle avait échoué a maintenir la paix. Elle n'avait pas réussi a protéger sa famille. Pouvait-elle encore prétendre a faire partie de cette famille qu'elle s'était révélée incapable de protéger? Elle qui en était à caché ses « enfants » quand elle voyait la folie arriver au triple galot dans les yeux de la danoise.

- Je suis...Pathétique non? Est-ce que je peux encore prétendre vouloir vous protégez alors que j'ai montré mon incapacité a le faire ? Suis-je encore digne de faire partie des Scandinaves?

Elle parlait. Après tout, elle se fichait maintenant de savoir si quelqu'un pouvait l'entendre et quitte a se montrer faible elle préférer l'être devant Tina plutôt que devant ses soeurs ou pire devant ses petits. Parce qu'elle savait qu'elle pouvait dire ce qu'elle voulait devant la finlandaise, elle était de ce genre de personne qui ne juge pas, qui écoute juste et donne leurs conseils après.

- Je m'étais juré de tout faire pour empêcher le malheur de nous frapper. Pourquoi j'ai échouais? Je n'avais jamais vu Storesøster pleurer, je n'avais jamais vu Danmark dans cet état. J'avais promis a Far que je veillerais sur elles deux, que je les empêcherais de se faire du mal. J'ai échouais. Où ai-je fauté? Je n'étais pas assez forte peut-être.

Décidément, l'alcool ça délie les langues. Mais elle tenait l'alcool la norvégienne. Mais elle était épuisée, voilà ce qui expliquait le fait qu'elle se confie. Elle baissa la tête avant de reprendre une gorgée de la gourde qu'elle tenait toujours entre ses mains.

Tina devait vraiment la trouver faible. Elle même se trouvait faible de ne pas avoir réussi. Sa seule consolation c'était que malgré sa folie, Danmark ne s'en prenne pas aux petits. De toute façon, la danoise savait parfaitement quelles étaient les limites que pouvait avoir la norvégienne. Et elle savait aussi que si elle touchait aux enfants alors elle briserait les limites de Liv.

- Tina, je voudrais que tu me promette quelque chose s'il te plait

Cette idée lui trottait déjà dans la tête depuis un moment, depuis le massacre en fait. Elle savait Sverige fragile, même si elle ne le montrait pas. Il lui fallait quelqu'un a ses côtés, quelqu'un d'assez fort pour la soutenir et elle avait le sentiment que Tina était cette personne.

Elle leva ses yeux pour les planter dans ceux de Tina.

- Je voudrais que tu reste le plus longtemps possible aux côtés de Sverige. Elle est fragile tu sais? Surtout depuis ce jour là. Elle a besoin de quelqu'un a ses côtés, quelqu'un qui saura l'épauler et l'aider en cas de besoin. Je voudrais que tu sois ce quelqu'un Tina

Elle reprit une gorgée de la bière finlandaise avant de rendre la gourde a la jeune femme en face d'elle. Elle savait, elle sentait que quelque chose avait changé en Sverige. Elle savait qu'elle ne resterait pas longtemps sans rien faire. Elle la connaissait sa grande soeur. Plus que cette dernière ne pouvait le soupçonner. Et Liv savait de quoi était capable la suédoise. Elle était capable de partir ou alors elle entrerait en guerre contre Danmark.

Liv sentait qu'un jour elle allait devoir faire un choix. Un choix qu'elle savait serait douloureux quoi qu'elle décide.

- On s'entendait bien au début pourtant non? Pourquoi ça c'est dégradé? Pourquoi ne pouvaient-elles pas se contenter de vivre en paix toutes les deux? Pourquoi faut-il qu'elles se sentent rivales?

Tant de questions qui resteraient sans doute a jamais sans réponse. Mais pourtant il fallait qu'elle les posent ces questions, même si elle n'obtiendrait jamais de réponse. On pouvait toujours espérer non? Espérer. Mais espérer quoi au juste? Une réconciliation? C'était inenvisageable a cause des deux caractères de cochons que se trainaient les deux soeurs et aussi par le fait que Sverige était sacrément rancunière quand elle le voulait. Alors espérer quoi? Avait-elle encore des raisons d'espérer? Voilà qu'elles étaient les pensées nourries par Liv.

Le nez rougit par le froid et la boisson, la finlandaise reniflait bruyamment. Elle n’était pas du genre à attraper froid aussi vite, mais la rudesse de l’hiver couplée à sa fragilité psychologique récente n’aidait en rien. Et puis l’alcool dans les veines ça réchauffe, mais ce n’est qu’illusion, c’est bien connu. Enfin, ça serait bien connu, pour l’instant, elle, ils croyaient qu’il s’agissait là de boissons miraculeuses qui tiennent chaud et rendent euphorique. Elle aimait ça, et partagerait volontiers. Cœur généreux de finnoise.

Elle s’assit par terre, face au banc qu’occupait Liv. Les fesses dans l’herbe, elle se fichait bien de salir ses frusques. L’alcool lui montait vite au crâne, et elle préférait être le plus près possible du sol, on sait jamais. Et puis apparemment, elle avait délié la langue à Liv avec sa bibine magique. Elle l’écoutait parler avec un intérêt plutôt relatif. Elle était comme ça Tina, plutôt ronchon et à prendre avec des pincettes une fois arrosée. Quand elle était vraiment atteinte, elle en était carrément muette, n’ouvrant le bec que pour jurer.

« C’est pas ta faute si ? C’est elles qui se battent. C’est elle qui est timbrée. C’est sa faute à elle. »

Et elle parlait bien de Danemark. Tina avait beau trouver la danoise plus ou moins sympa, là elle était carrément dans la catégorie « j’évite même de la regarder » de l’esprit finlandais. C’était une timbrée à éviter comme la peste, si en plus elle faisait pleurer Suède, il fallait carrément pas baisser sa garde devant. Elle était dangereuse, tout simplement. Et le danger, elle se riait pas encore du danger. Courageuse, mais pas téméraire. Tant qu’elle l’approche pas, tout va bien, non ?

« T’as pas à porter la responsabilité des conneries de Tanska. C’est à elle de le faire. »

Phrases courtes, concises, claires. Pas l’habitude du moulin à paroles finnois qui remplirait à elle toute seule une conversation. Elle parlait pour deux avec Suède. Là limite si les mots lui arrachaient pas la gorge pire qu’un truc à avaler quand on a la crève sévère. D’ailleurs elle était pas loin de l’avoir. Oubliant toute forme de politesse ou la bienséance, elle renifla de nouveau, et finit par appuyer sur sa narine gauche pour souffler dans la droite, s’essuyant dans sa manche. Comme une malpropre.

Et c’est là que la norvégienne lui demanda de promettre d’être aux côtés de Suède. C’était. Une drôle de promesse qu’elle lui demandait là. Tina haussa les sourcils. Elle n’était rien qu’un poids. Un petit territoire non indépendant. Qu’est-ce qu’elle voulait qu’elle fasse à part obéir aux ordres ? Ce n’était pas comme si elle était l’amie de Suède. Elle n’était qu’une possession de la suédoise. Elle était comme la domestique qui s’écrasait face à la femme bien riche qui la possédait. Elle n’avait aucun statut, rien, elle se contentait d’exister sous la coupe suédoise.

« Je. Non. Je peux pas te promettre ça. Tu le sais. Je suis rien. Tu comprends ça ? Rien. Si je fais quelque chose, elle me redresse. Elle a bien massacré chez moi pour ses croisades j’te signale. C’est pas comme si on était amies. Je la suis, basta. »

Sèche comme un pendu, la finnoise alcoolisée ne mâchait pas ses mots. Sa relation avec Suède était loin d’être l’univers tout rose et cotonneux de deux gentilles jeunes filles bien sages. Suède pouvait se montrer également cruelle, et Tina avait beau pardonner pour un oui ou pour un non, la rancœur remonte vite en même temps que descend la bière. C’était le désavantage de l’alcool grognon. D’ailleurs aussitôt qu’elle avait récupéré sa gourde qu’elle tétait de nouveau au goulot pour en finir les dernières gouttes.

Tina se leva pendant que Liv s’interrogeait sur la relation entre Danemark et Suède. Pff. Elle, elle savait ce qu’il clochait. Elles ne pouvaient pas se voir en peinture et point. Personne n’y changerait jamais rien et c’est tout. Elle voyait vraiment pas pourquoi il y avait besoin de se poser la question. Deux têtes de con qui s’affrontaient ça donnait ça. Tina shoota dans un caillou, s’énervant contre le petit machin de pierre comme s’il était le responsable de son futur mal de crâne au réveil. Et elle tapa dans une dalle, s’explosant le doigt de pied au passage. Douleur fulgurante qu’on connait avec le coin d’un meuble.

« Perkele ! Enfin. C’est pas comme si on… y pouvait quelque chose. Tanska et Ruotsi ne s’aiment pas… et c’est tout. Ca changera pas, pas la peine de t’arracher les cheveux là-dessus. »

La délicatesse ne fait pas partie du vocabulaire du finnois bourré qui sautille sur un pied.

Les paroles de la finnoise firent mouche. Quand elle le voulait Tina savait manier sa bouche comme un arc et ses mots comme des flèches. Et comme ses flèches les mots qu'elle disait alors touchaient leurs buts.

Mais malgré le fait qu'elle sache que Tina avait raison quand a la haine dano-suédoise, Liv continuait de croire qu'une entente entre les deux fortes têtes était possible. Pas maintenant, c'était certain, mais elle savait que dans quelques années elle serait possible.

Elle se leva après que Tina est commencé de sautiller sur un pied, son gros orteil ayant été sauvagement attaqué par une vile attaque de dalle, et elle la prit dans ses bras. C'était un acte extrêmement rare en public pour la norvégienne, voir quasi-impossible. Liv était comme ça, incapable de geste tendre en public. C'était dans l'intimité qu'elle s'ouvrait, comme ses fleurs qui ne s'ouvrent et dévoilent leurs cœurs qu'au lever du soleil. Pour Liv c'était normal d'agir ainsi. Les scandinaves représentaient tant de chose aux yeux du monde. Des anciens conquérants, des combattants féroces. Il était impensable pour la norvégienne de paraître tendre ou souriante en public.
Mais là, dans ce jardin dans lequel n'importe qui pouvait passer, Liv avait fait un geste qu'elle ne ferait jamais en temps normal. La finlandaise était légèrement plus petite qu'elle, pas de beaucoup mais la différence était là. Elle avait stoppé ses sautillements et encore heureux, Liv n'aurait pas aimé se prendre un coup de boule.

- Takk Tina, Takk for alt, murmura Liv a l'oreille de la jeune fille dans ses bras

Elle ne savait pas exactement pourquoi elle la remerciait. Peut-être pour sa présence, peut-être pour ces paroles dures mais juste...Peut-être parce que Tina lui avait envoyé en pleine figure une vérité qu'elle s'échinait a ignorer.

- Tu veux que je t'aide pour ton pied?

Liv s'écarta juste assez pour qu'on ne puisse pas penser qu'elle avait pris l'autre jeune fille dans ses bras. Et n'allez pas imaginer que sa question était un moyen pour mettre fin a ce câlin impromptu, pas du tout!

******Ellipse******

Les années passèrent, et avec elles entrainèrent dans l'abîme les espérances de Norvège envers une possible amélioration dans les relations suédo-danoise. Alors qu'elle même entretenait de bon lien qu'elle pourrait qualifier de lien d'amitié avec la finlandaise. C'était a croire que plus elle devenait amie avec Tina, plus les bagarres entre Sverige et Danmark allait en s'empirant.

Depuis l'épisode du jardin, les deux nations essayaient tant bien que mal de faire bonne figure auprès du reste du monde même si c'était devenu un secret de polichinelle que les relations entre Sverige et Danmark était tombé dans les oubliettes depuis fort longtemps.

Les disputes devenaient légions dans la demeure scandinave. Tout était prétexte à se crêper le chignon et Liv n'en pouvait plus. Elle dormait de moins en moins longtemps la nuit, faisant des nuits de trois ou quatre heures de sommeil avant de se relever, incapable de se rendormir. Elle avait alors plusieurs options : soit elle allait écrire dans son journal, soit elle allait veiller sur le sommeil de ses trois petits, soit elle allait s'occuper des dossiers en attente dans le bureau de la danoise.

C'est une de ses nuits où elle se trouvait dans le bureau danois qu'elle entendit du bruit provenant de la cour. Se levant rapidement, tout son être en proie a un pressentiment horrible, du genre de celui qu'elle avait eu quand elle avait prédit un malheur, elle marcha puis finalement se mit a courir, ses jupes relevés pour arriver le plus vite possible dans la cour. Ce qu'elle y vit la figea sur place. Elle eut l'impression qu'elle recevait un coup sur la tête. Non, ce n'était pas vrai, c'était un vrai cauchemar. Non, elle n'avait pas vu Astrid et Tina dans cette cour, prêtes a s'enfuir.

- Tina...Astrid, fit-elle d'une voix qu'elle ne maitrisait plus, une voix qui montrait au monde que finalement la norvégienne était un être humain tant elle dénotait son désarroi et son incrédulité

Les discussions à mi- mots avec la norvégienne se faisaient de plus en plus rares au fil des années. Elles entretenaient une amitié naissante, mais souvent entachée par les bagarres incessantes entre la suédoise et la danoise. A croire qu’à chaque fois qu’elles pouvaient goûter à la paix, il fallait qu’on leur retire le pain de la bouche, littéralement. C’était tendu, le sang bouillonnait dans les veines scandinaves, et la pauvre finlandaise, qui n’était pas de la même trempe que les autres, s’en trouvait bien mal à l’aise. Sa nouvelle meilleure amie, la bouteille, finissait souvent par noyer ses inquiétudes et son mal-être. Son nouveau refuge retrouvé, la forêt, l’hébergeait de plus en plus souvent. Si elle le pouvait, elle aurait tout simplement fuit cette baraque de malheurs, laissant ces grandes belliqueuses se crêper le chignon.

Un soir, alors qu’elle s’échappait de nouveau de la chambre, se glissant hors de ses draps en silence, telle une petite souris prête à la fuite, elle fut interrompue dans son petit rituel de balade nocturne. Quelqu’un lui bloquait le passage, prenant la place dans l’encadrement de la porte. Tina avait levé des yeux ronds vers Astrid, ne comprenant pas ce qu’elle faisait là à une heure aussi tardive. Elle avait d’abord pensé que la suédoise désapprouvait à présent ses fuites nocturnes et avait décidé de l’empêcher tout simplement de partir.

Mais Suède l’avait fait asseoir sur sa couche, lui expliquant doucement ses intentions. Fuir. Tout simplement. Comme elle le voulait elle-même. Mais Astrid voulait l’emmener avec elle. Elle ne la laisserait pas toute seule sous le règne de la folie danoise. Tina avait d’abord protesté. Elle laisserait les autres derrière ? Norvège n’était donc rien pour elle ? Pourtant elle était persuadé qu’elle comptait moins que Liv. Astrid éluda toutes ses questions, de toute façon, elle n’était pas très loquace. Elle lui fit simplement comprendre qu’elle n’avait pas le choix.

Tina obéit donc, rassemblant quelques frusques et maigres possessions dans un sac de toile, similaire à celui que Suède trimballait avec elle. Son arc, son carquois, elle ne partirait pas sans. Elle n’aurait qu’à la traîner par les pieds, mais elle refusait de s’en séparer. Pas l’heure aux négociations, la suédoise l’entraîna dehors, lui recommandant d’un regard de faire le moins de bruit possible. Ferme ta boîte à salmiakkis Tina, histoire qu’on ne se fasse pas repérer avant d’avoir franchit le portail.

Elles sortirent dans le froid, pressant le pas sur les dalles de pierres, leurs pas se répercutant en écho dans la cour pavée. Pas très discret, mais elles pressèrent le pas histoire de passer le moins de temps possible sur ces dalles. Elles descendirent les escaliers quatre à quatre, et, c’était couru d’avance, Tina rata une marche et chuta au bas de la volée. Dans sa chute, elle avait fait tomber son sac et avait poussé un cri étouffé. Astrid l’avait rattrapée in extremis avant qu’elle ne s’éclate le bras contre le sol, et elles étaient restées immobiles un instant, attendant, dans le silence de mort retombé, de voir si le cri de Tina avait réveillé les foules. Chance, ce n’était apparemment pas le cas, et, une fois ses affaires ramassées et ses chaussures relacées, Tina se releva et remboita le pas d’Astrid.

- Tina...Astrid.

D’un même mouvement, les deux interpellées avaient arrêté leur course et s’étaient retournées vers Liv. Tina resta en retrait, pour le coup, elle n’avait rien à dire, elle suivait, tout simplement, et même si ça l’attristait de la laisser derrière, c’était Astrid qui décidait. Tout ce qu’elle put faire, elle, c’est adresser un sourire d’excuse, léger, de peur qu’Astrid ne le voie, car oui, la suédoise la terrorisait encore. Elle n’osa pas ouvrir le bec, c’était pas à elle de s’expliquer, elle se contenta de laisser Astrid enserrer son poignet sans broncher.

Elle vivait un cauchemar. Ce n'était pas possible autrement. Son esprit n'arrivait pas a se persuader que ce qu'elle vivait était réel. Elle leva un regard plein d'espoir vers Astrid quand cette dernière lui prit les mains. Elle lui dire que ce n'était qu'une mauvaise blague, qu'elle ne s'en allait pas, qu'elle et Tina restait avec elle. Liv était quelqu'un qui plaçait la famille tout en haut de sa liste de ses priorités nous l'avons bien vu tout au long de ces années. Telle une fleur, il suffisait qu'on l'a prive d'eau et elle s'étiolait et finirait par faner. L'eau de Liv c'était la famille, cette paix et ce bonheur qu'on ne ressent que dans une famille unie et soudée devant les malheurs.

Mais les paroles de la suédoise l'atteignait comme autant de coups de poings. Son esprit assimila enfin que c'était réel, qu'Astrid et Tina allait partir, qu'elles la laissait toute seule en arrière avec la danoise. Et arriva l'heure du choix, ce choix cruel qu'elle était incapable d'affronter. Ce choix qui la déchirait en deux. Astrid ou Johana.

Comment pouvait-on oser lui demander de choisir? Qu'avait-elle fait aux dieux pour qu'ils la confrontent ainsi a ce choix. Car qu'importe qui elle choisirait, elle savait qu'elle perdrait une part importante de sa vie.

Elle aurait eu toutes les raisons du monde pour accepter de suivre Astrid et Tina. Oui mais voilà, la danoise avait quelque chose en plus. Elle tenait les plus précieux de tous les trésors de la Norvégienne. Les enfants. Elle se savait incapable d'abandonner Ice, Féroé et Groenland.

Ce fut les larmes aux yeux et le cœur déchiré qu'elle retira ses mains de celle de sa sœur. Ces mains qui l'avaient consolées, câlinée et rassurée lorsqu'elle était une enfant apeurée. Ces grandes mains qui engloutissait les siennes, plus petite, dans l'espoir de lui réchauffer la peau. Elle eut l'impression que jamais le froid ne l'abandonnerais maintenant. Car la chaleur des mains suédoises, bien que différentes de celles des mains danoises, la réchauffer et lui donner un repaire dans le froid de la nuit.
Elle se sentait faible et lâche. Mais elle savait qu'elle ne pouvait abandonner ses petites colonies aux mains avides et a la folie destructrice de la danoise.

- Jeg beklager storesøster, jeg beklager, balbutia-t-elle les larmes coulant finalement sur les joues pâles.

Elle accrocha le regard finlandais si semblable aux siens par la couleur mais tellement plus vivant, tellement plus expressif que le sien.

Elle avait perdu le combat, elle avait échouée pour de bon. Elle se recula du pas, serrant ses bras autour de son torse, comme pour s'empêcher de tout mouvement.

- Adieu, finit-elle par dire d'une voix rendue tremblante a cause des larmes

Et elle s'enfuit. Elle s'enfuit comme la lâche qu'elle était devenue. Elle s'enfuit pour échapper a la vision des yeux bleus de sa sœur brillant d'une lueur compréhensive. Elle n'aurait pas du avoir ce regard là. Elle aurait du la haïr de préférer rester. Et Tina. Tina aussi avait une lueur dans le regard. La même que celle de Sverige. Cette même lueur qui lui disait qu'elle comprenait sa décision. Alors qu'elle se sentait misérable d'avoir choisi de rester. Elle aurait compris la colère ou le mépris envers sa lâcheté et sa faiblesse. Mais elle ne pouvait pas comprendre qu'on ne lui en voulait pas et qu'on comprenait sa décision.

Elle rentra dans la maison et ferma la porte derrière elle. Elle s'y adossa et se laissa glisser a terre, sanglotant comme l'être perdue qu'elle était. C'était la fin de sa famille. Ses sanglots redoublèrent quand elle entendit le bruit des chevaux s'éloigner au grand galop. Ça y était...C'était fini. L'Union de Kalmar si pleine de promesse n'était plus.

Tina observait le dialogue entre les deux grandes, comme effacée, une spectatrice d’une page d’Histoire qui scellerait le destin de chacune. Le sien de même. Elle était à Suède. Ni plus ni moins. Elle n’avait rien à dire, rien à faire d’autre qu’attendre. Que Suède fasse ses adieux. Que Norvège s’efface. Car elle n’allait pas les suivre. Tina le savait. C’était une aventure en duo, pas en trio, ça. C’était une fuite à deux, et seulement à deux. Elles ne pouvaient pas emmener tout le monde loin de la folie danoise. Tout simplement que c’était plus simple de s’enfuir à deux. Moins de poids mort ? Peut-être. Tina en était un, de poids mort. Enfin, pas tellement. Elle savait se carapater. Elle savait se rendre utile. Mais à côté d’Astrid, elle se sentait toute petite.

Elle resta en retrait, ne relevant la tête que quand la suédoise retourna vers elle, laissant derrière Liv et ses doutes. C’était tout vu, Suède et Danemark n’étaient pas faites pour la cohabitation. Et c’était ainsi. Sage décision que de partir avant de se foutre sur la tronche, même si elles le feraient de toute façon, pour l’instant, c’était ce qu’il y a de mieux à faire. Norvège le savait très bien. Ca n’empêcha pas Tina d’éviter son regard, elle ne savait pas tant pourquoi, mais elle était mal à l’aise, elle se sentait comme coupable de cette fuite qu’elle n’avait pourtant pas décidée. C’était logique qu’elle s’en aille aussi, non ? De toute façon, Suède décidait, elle suivait, point barre à la ligne et souligné.

Tina avait encore, même au bout de ces nombreuses années, des difficultés à comprendre les langues scandinaves. Engoncée dans son finnois brut de pomme et tout neuf, elle ne pouvait comprendre que les suédois et leur langage qu’elle et ses semblables étaient forcés d’apprendre. Les nuances entre le suédois et les autres langues lui étaient difficiles à saisir. Néanmoins, elle comprenait les excuses que Liv faisait à sa sœur. Et se sentait alors, encore une fois, de trop. Elle n’appartenait pas à cette famille. Sa famille à elle, c’était la Laponie, l’Estonie, les gens qui comme elle subissaient l’air de la Baltique enfermé par l’Oural en orient. Elle n’avait pas ce passé qu’elles partageaient, elle n’avait jamais été autre chose qu’un territoire troué de lacs et pris à l’assaut par les suédois en quête de contrôle sur la mer Baltique. Tina n’était pas scandinave, et ne le sera jamais.

Elle s’effaça, la finlandaise, elle préféra faire quelques pas en arrière, laissant les deux sœurs se dire adieu. Elle qui n’avait pas de famille à proprement parler ne comprenait pas qu’on puisse se déchirer ainsi. Mais elle avait vu les massacres. Elle avait vu les nobles suédois tomber, et le rouge tâcher la grande place. Elle comprenait le désir d’Astrid de suivre la volonté de Vasa et de proclamer la fin de l’Union de Kalmar. Elle aimerait dire qu’elle aurait fait pareil à sa place, mais elle ne le peut pas. Elle est couarde, jeune, apeurée et impressionnée par ces grands suédois qui la gouvernent, elle, petite possession à l’Est de leur grand pays si noble, soi-disant descendants des Goths. Elle suivrait, de toute façon.

Et sans plus de regard pour la norvégienne en pleurs, elle se hissa sur son cheval à la suite de la suédoise, sans ajouter un mot. Elle la bouclerait un moment, la petite bavarde, jusqu’à devoir briser le lourd silence qui s’installerait entre les deux blondes fuyant jusqu’au nord du grand royaume de Suède, direction Stockholm.

HRP: